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LES ŒUVRES EXPOSÉES AU MUSÉE LORS DE LA RÉTROSPECTIVE SONT PRÉCÉDÉES D'UN ASTÉRISQUE (*).

JUANA ROMANI 

Un rêve d’absolu

C’est une histoire d’amour peu conventionnelle qui conduit les pas de la jeune Juana dans la capitale parisienne. Rien ne prédisposait cette enfant née en 1867 à Velletri, au Sud de Rome, dans une famille de fermiers sans terre, à devenir une artiste en vue de la Belle Époque. Sa mère, Marianna Schiavi, quitte un an après sa naissance, son époux Giacinto Carlesimo tenté par le brigandage. Elle s’installe au service de la famille Romani qui détient vignes et forêts. Temistocle Romani, musicien de profession, gère alors avec son père et ses frères le patrimoine familial. Il décide pourtant de rompre en 1877 avec son milieu d’origine, cultivé et aisé, pour vivre très modestement à Paris avec Marianna, qui devient son épouse l’année suivante. Juana, âgée de dix ans, les accompagne dans cet exil. 

 

Ce déclassement social conduit la famille à connaître le destin des immigrés italiens vivant de petits métiers, parmi lesquels la profession de modèle qu’exercent certaines familles comme les Abruzzesi ou les Caira. Marianna suit cet exemple amenant avec elle, lors des séances de pose, sa fille qui apprend beaucoup de la vie des ateliers. À son tour, vers l’âge de quinze ou seize ans, Juana Romani débute une carrière de modèle en travaillant notamment pour l’académie Julian où se sont ouverts des ateliers pour les artistes femmes ainsi qu’à l’académie Colarossi tenue par un sculpteur d’origine italienne, qui l’aide sans doute à ses débuts. Rapidement, Juana Romani devient l’un de ces modèles qui passent des ateliers collectifs aux ateliers d’artistes renommés dont certains sont appelés à devenir ses maîtres.

Un contre-modèle de femme artiste ?

La carrière de Juana Romani débute bien différemment de celle des femmes peintres de son époque. Eduquée par son beau-père, la jeune fille découvre très jeune l’univers des ateliers parisiens, leurs codes et leurs pratiques en accompagnant sa mère qui pose occasionnellement. Son apprentissage s’effectue au gré des rencontres avec les artistes, certains étant alors considérés comme des « maîtres » à la carrière était déjà établie : Alexandre Falguière, Carolus-Duran, Jean-Jacques Henner, Ferdinand Roybet... En cela, Juana Romani eut un profil similaire à celui de sa contemporaine Suzanne Valadon (1865-1938), ancienne acrobate, dont la vocation de peintre fut encouragée par les artistes qu’elle fréquentait notamment en tant que modèle. Toutefois, l’une et l’autre furent sans doute amenées à côtoyer, dans le cadre de l’ « atelier des dames » dirigé par Carolus-Duran et Henner, des camarades issues de milieux plus aisés, telles Virginie-Hélène Porgès (1864-1930) ou Madeleine Smith (1864-1940). Juana Romani renoue probablement avec une forme de sororité par la fréquentation de Consuelo Fould (1862-1927) et de Georges Achille-Fould (1865-1951), anciennes élèves de Roybet. L’atelier de ce dernier s’avère ainsi être tant un lieu de formation qu’un lieu de sociabilité où se côtoient des peintres, des sculpteurs, des graveurs dont certains intègrent, autour de 1890 ou un peu plus tard, les rangs de l’Académie. Ces « référents » masculins jouaient un rôle de patronage auquel peu d’artistes – femmes comme hommes – échappaient, dans un contexte où le Salon s’avère toujours un relais indispensable à toute carrière. 

 

L’atelier de Roybet permet ainsi à Juana Romani de se tenir éloignée des cénacles féminins, déclinant sa présence dans des expositions féminines ou refusant l’honneur faites à certaines de fréquenter l’Ecole des beaux-arts au profit d’une pratique professionnelle indépendante et d’un style sans équivalent chez ses consœurs. Après 1900, plusieurs artistes masculins ou féminines s’inspirent de sa peinture teintée d’orientalisme et de symbolisme.

Chronologie sommaire

1866 (17 avril) : Mariage d’Anna Maria (dite Marianna) Schiavi et de Giacinto Carlesimo à Velletri.

1867 (30 avril) : Naissance de Giovanna Carolina Carlesimo (prénoms et nom de baptême de Juana Romani).

1868 : Marianna entre comme domestique au sein de la famille Romani et rencontre Temistocle Romani, musicien de profession.

1876 (8 janvier) : Décès du père de Juana Romani à Velletri.

1877 : Âgée de dix ans, la future peintre s’installe à Paris avec sa mère et son beau-père.

1878 (12 septembre) : Mariage en secondes noces de Marianna Schiavi (veuve de Carlesimo) avec Temistocle Romani à la mairie du XIVᵉ arrondissement.

1879 : Sans ressources financières, Temistocle Romani accepte un poste de musicien dans un théâtre populaire tandis que Marianna pose pour des artistes, séances auxquelles sa fille assiste. 

1882-1888 : Juana débute son activité de modèle professionnel à l’académie Julian et à l’académie Colarossi, sous le nom de Giovanna ou Carolina ou Giovanina Romani, puis de Juana Romani. Durant la décennie, elle pose pour Alexandre Falguière, Antonin Mercié, Jean-Jacques Henner, Carolus-Duran, Victor Prouvé, Jean-André Rixens, Benjamin-Constant, Gustave Boulanger, Victor Peter, Alexandre Lesrel et Ferdinand Roybet. Elle fréquente probablement l’ « atelier des dames » encadré par Henner et Carolus-Duran.

1888 : Premier Salon de Juana Romani (Gitane, n° 2177) alors que Falguière expose le marbre de la Nymphe chasseresse (n° 4090). Elle travaille avec Ferdinand Roybet mais ne pose quasiment plus pour les autres artistes.

1889 : Sélectionnée à l’Exposition universelle (section italienne), elle obtient une médaille d’argent grâce à laquelle elle devient hors-concours au Salon des Artistes français auquel elle participe tous les ans jusqu’en 1904.

1892 : Roybet, qui n’avait pas exposé au Salon depuis 1868, y revient avec le Portrait de Juana Romani (n°1477) ; Juana Romani et Roybet séjournent en Italie, passant à Turin, Milan, Venise, Florence, Rome et enfin, Naples.

1893 : Juana Romani et Roybet se rendent en Espagne, notamment à Madrid pour visiter le musée du Prado.

1900 (2 mai) : Juana Romani est présente à l’inauguration du palais de l’Italie lors de l’Exposition universelle.

1901 : Juana Romani se rend à Velletri, sa ville natale, en compagnie d’Angelo Mariani, Antoine Lumière et Roybet. Son nom est donné à l’école municipale des arts et métiers et l’artiste donne 5000 lires pour la fondation d’un prix en faveur de l’élève le plus méritant.

1903 (avril) : Les premiers troubles psychiatriques de Juana Romani se manifestent ; Roybet l’accompagne à San Remo pour des soins jusqu’en février 1904.

1905 (24 février) : Roybet manifeste son inquiétude sur l’état de santé de Juana Romani, avouant ne pas la quitter pas depuis trois semaines.

1906 : De retour à Paris après une nouvelle thérapie en Italie, elle consulte le docteur Weglenski, puis se rend à la maison de santé de Turin avant d’être transférée à l’asile privé d’Ivry.

1909 (5 février) : Décès de la mère de Juana Romani ; Roybet est désigné comme administrateur provisoire de ses biens dont un inventaire est dressé.

1920 (11 avril) : Décès de Roybet à Paris ; la pension à l’asile privé d’Ivry cesse d’être payée et Juana est transférée à l’asile public de Sainte-Anne en octobre.

1921 (14 décembre) : Elle est transférée à la division des femmes à l’asile public de Ville-Évrard. 

1922 (5 janvier) : Consuelo Fould, marquise de Grasse, et la peintre d’origine danoise Sonia Hansen rendent visite à la peintre qui est transférée durant cette période au pavillon de chirurgie de Sainte-Anne ; elle y sera hospitalisée à plusieurs reprises.

1923 (23 mai) : elle est transférée à la maison de santé du Château de Suresnes ; l’administrateur judiciaire programme une vente aux enchères des biens pour payer les frais de séjour mais celle-ci est annulée suite au décès de l’artiste ; (13 juin) : Juana Romani décède à Suresnes à l’âge de 56 ans.

1924 (22 novembre) : Vente de succession à l’hôtel Drouot (108 nos) pour un total de 140 410 fr.

1927 (16 mai) : Décès de Consuelo Fould qui réalise un legs à la ville de Courbevoie pour la création d’un musée dédié à la mémoire de Roybet, projet d’abord initié par Juana Romani à Velletri. 

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